142742237D’après ses observations, Maria Montessori s’est rendu compte que ce que les adultes appellent « caprices » sont en fait souvent des réactions de résistance de l’enfant lorsqu’il rencontre des obstacles à sa construction. Par exemple, dès la première année de leur vie, les enfants ont besoin d’ordre. Quand quelque chose n’est pas à sa place, il leur arrive de s’agiter et de pleurer jusqu’à ce que l’ordre soit rétabli. (Voir Maria Montessori, L’enfant, p. 44-54.) Les enfants ont également besoin de faire par eux-mêmes. S’ils sont entravés, ils ont alors deux voies possibles : la suractivité ou l’inhibition.

Avant qu’ils ne sachent parler, ils traversent une période de grande difficulté quand ils n’arrivent pas à s’exprimer alors qu’ils ont beaucoup d’idées et aimeraient le faire. (Voir Maria Montessori, L’esprit absorbant de l’enfant, p. 102.)

Dans ses ouvrages, Maria Montessori fait la distinction entre les troubles des enfants « forts » et ceux des enfants « faibles ». Elle utilise le terme « déviation » car le développement naturel des enfants est « dévié » en raison d’obstacles présent dans l’environnement (qui comprend le milieu physique et les personnes qui entourent l’enfant).

« Une des principales caractéristiques (des enfants forts présentant des déviations), c’est la désobéissance, l’instinct de destruction, et aussi le désir de possession ; donc, égoïsme et envie (ce dernier défaut ne se manifeste pas passivement, mais par des tentatives de se rendre maître de ce qu’ont les autres enfants). Inconstance (…), incapacité d’attention ; difficulté à coordonner les mouvements des mains, si bien que les objets qui leur sont confiés tombent et se cassent ; esprit désordonné, forte imagination. Ils hurlent souvent, crient à tue-tête, et mènent un grand vacarme. Ils dérangent, tourmentent et, souvent, sont cruels avec les enfants plus faibles qu’eux et avec les animaux. La gloutonnerie est fréquente chez ce genre d’enfants » (L’esprit absorbant de l’enfant, p. 159). Pour ce qui concerne la possession, les enfants forts se battent pour garder ce qui leur appartient. (Voir L’enfant, p. 163.)

Les déviations des enfants « faibles » sont décrites ainsi : « Indolence, et inertie ; ils pleurent pour obtenir quelque chose et essaient de faire travailler les autres à leur place ; ils ont besoin d’être amusés et s’ennuient facilement. Ils ont peur de tout, s’attachent aux adultes. Ce sont souvent des menteurs (forme passive de défense) ; ils volent (pour se rendre maître de ce qui appartient aux autres), etc. » (L’esprit absorbant de l’enfant, p. 159). Maria Montessori ajoute que les enfants faibles peuvent également refuser de manger, avoir un sommeil agité et certaines formes d’anémie et de troubles du foie. Pour ce qui est de la possession, les enfants soumis accumulent et cachent des objets. (Voir L’enfant, p. 164.) Maria Montessori note que de nombreuses maladies ont des causes exclusivement psychiques. Une fois que l’on supprime l’obstacle, l’entrave, la santé revient. (Voir L’enfant, p. 185.)

Les enfants de classe sociale élevée ont d’autres difficultés que ceux des classes sociales modestes : ils manifestent souvent un désintérêt pour le matériel, manquent de discipline, veulent faire comme les autres. Pourtant eux aussi finissent par s’intéresser aux activités qui leur sont accessibles. (Voir L’enfant, p. 142-145.)

Dans L’esprit absorbant de l’enfant, p. 216 (ou Discipline et liberté, p. 2), on trouve une description de l’état de chaos chez les enfants. Celui-ci présente trois grandes caractéristiques :

1. Les mouvements volontaires désordonnés

2. La difficulté à fixer son attention sur des choses vraies (avec une fuite dans l’imaginaire)

3. La tendance à l’imitation (qui est normale chez des enfants de deux ans mais qui ne l’est plus ensuite car elle dénote un manque de construction de l’enfant)

L’imagination, qui est considérée comme positive par une majorité de personnes, est vue comme un « vagabondage » de l’esprit dans la pédagogie Montessori pour les enfants de moins de six ans. Dans la première maison des enfants, à San Lorenzo, des jouets étaient à la disposition des enfants mais ceux-ci les délaissaient car ils préféraient faire de vraies choses plutôt que de faire semblant.

Pour Maria Montessori, donner des jouets à un enfant, c’est « donner des objets à un esprit pour favoriser son vagabondage dans l’illusion » (L’enfant, p. 152). Selon la pédagogie Montessori, toute activité qui n’a pas un but défini et intelligent n’est pas constructrice.

Quels sont donc les remèdes à ces déviations ?

Pour Maria Montessori, il ne s’agit pas d’essayer de corriger les défauts l’un après l’autre. Il faut également prendre garde à ne pas chercher à rectifier brusquement un enfant, sinon, il construit autour de lui une « barrière psychique » qui mène à un blocage. (Voir L’enfant, p. 155.)

stock-photo-20361863-young-girl-playing-at-montessori-pre-school

Par son observation, Maria Montessori a constaté que les enfants étaient transformés lorsqu’ils parvenaient à se concentrer, par la répétition d’activités ayant un but défini. Elle décrit ainsi l’état de concentration : « La main travaille, guidée par l’esprit » (L’esprit absorbant de l’enfant, p. 163). « L’enfant qui se concentre est heureux par lui-même, inconscient de ses voisins et de son entourage » (Discipline et liberté, p. 6). L’enfant concentré est investi dans son travail ; il a les pieds par terre, le dos droit et le buste ouvert. L’esprit concentré est apaisé. La répétition d’un travail manuel lui permet d’être dans un ici et maintenant.

La première fois que Maria Montessori a constaté ce processus, c’était lorsqu’une petite fille a répété plus de quarante fois de suite l’activité des encastrements cylindriques. Après avoir décidé elle-même d’arrêter, elle rayonnait de joie. (Voir L’enfant, p. 109.)

Cela se vérifia par la suite chez bien d’autres enfants. Grâce à la concentration, « le désordonné devenait ordonné, le passif devenait actif, et le dérangeur devenait une aide dans l’école » (L’esprit absorbant de l’enfant, p. 161).

Après s’être concentrés sur un travail, les enfants observent les autres sans les gêner. Ils sont plus disponibles aux autres car ils ont été comme nourris par leur travail. « Les exaltés se calment ; les opprimés renaissent » (L’enfant, p. 146). Maria Montessori parle d’« enfant nouveau » car l’état de concentration transforme les enfants de l’intérieur.

L’une des premières maisons des enfants a accueilli des orphelins après un tremblement de terre, en Italie. Leur transformation, qui s’effectua petit à petit, fut qualifiée de « conversion » car de tristes et abattus qu’ils étaient, ils devinrent joyeux. (Voir L’enfant, p. 139-140.)

Il y a donc de l’espoir concernant les troubles observés chez les enfants. Comme l’affirme Maria Montessori, « (l’enfant) n’est pas encore fixé dans ses déviations ; nos efforts ne seront pas vains » (L’esprit absorbant de l’enfant, p. 215). Mais cela demande de la persévérance. En cas de désordre dans la classe, les éducateurs inexpérimentés peuvent se demander si « l’enfant nouveau » est bien une réalité, mais Maria Montessori explique que la construction intérieure est un but, pas quelque chose de préexistant. Elle ajoute : « Si la discipline existait déjà, notre travail serait inutile ; l’enfant serait guidé par un instinct sûr qui lui permettrait de supplanter toutes les difficultés » (Discipline et liberté, p. 1). Les résultats de ces efforts seront « une forme de paix active » (Discipline et liberté, p. 7).